spectacle de Marien Tillet compagnie le cri de l’armoire

Philippe Remond / Festival Mythos

Philippe Remond / Festival Mythos

Philippe Remond / Festival Mythos

Philippe Remond / Festival Mythos

Équipe artistique

Marien Tillet
Mathias Castagné
Samuel Poncet
Simon Denis

Un conteur, un guitariste, un dessinateur : les membres de la Compagnie Le Cri de l’Armoire mettent en miroir le conte du Petit Poucet avec les aventures contemporaines d’une famille ayant choisi de changer d’existence. Une création intense, brève. Un spectacle coup-de-poing.

« A partir de maintenant, on cultive ce qu’on mange, on mange ce qu’on tue et on ne gâche rien », explique ce père de famille qui a choisi de quitter la ville pour aller s’installer à la campagne avec femme et enfants. Voulant vivre l’expérience de l’autosubsistance, il a convaincu les siens d’entamer une nouvelle existence fondée sur d’autres habitudes alimentaires et un nouveau rapport à ce qui les entoure. Fini, pour eux, la nourriture à la qualité suspecte et la traçabilité douteuse. Dorénavant, leurs repas seront pensés, considérés à la lumière d’observations éthiques liées à la question du vivant, du tué, de la nécessité, de l’interdit, du sacré… Ce père s’adresse à nous à travers un ton et des mots d’une grande simplicité. Sans effet de gestes ou de voix. Cette manière de dire – naturelle, directe – tranche avec les ornementations vocales du slam en alexandrins au sein duquel nous plonge le même comédien (le remarquable Marien Tillet, également auteur et metteur en scène du spectacle) lorsqu’il donne la parole à l’Ogre du Petit Poucet.

Le fondateur de la Compagnie Le Cri de l’Armoire fait ainsi alterner deux voix et deux histoires : dans des ambiances entre clair et obscur (les lumières et la scénographie sont de Samuel Poncet qui dessine en direct, par le biais de jets d’eau, derrière une toile disposée en fond de scène, un paysage énigmatique reprenant certains motifs des récits qui nous sont adressés), accompagné à la guitare par Mathias Castagné (qui signe la création musicale). Ces histoires finiront par se rejoindre de manière inattendue. En moins d’une heure, Le Dernier Ogre nous embarque dans les courbes dangereuses d’un monde à dimensions multiples. Un monde puissant, radical, à la fois grave et railleur, concret et onirique. On est loin des univers édulcorés ayant pour objet de nous distraire, d’arrondir les angles de la réalité. Marien Tillet, Mathias Castagné et Samuel Poncet enfoncent le clou de questionnements qui n’ont rien d’inoffensifs. Qu’est-ce qu’une âme ? Qu’est-ce qu’un corps ? Qu’est-ce qu’une mort naturelle ? De quelles chairs a-t-on légitimement le droit de se nourrir ? Ces interrogations nous interpellent. Elles ouvrent des pans entiers de réflexions, viennent éclairer quelques impensés et bousculer des évidences.

Manuel Piolat Soleymat LA TERRASSE Publié le 28 février 2019 – N° 274